“Dieu que la guerre est jolie!”

Apollinaire

L'appel aux armes

Ils partirent “la fleur au fusil”, paraît-il. Ils ne savaient pas qu’ils allaient participer à une monstrueuse boucherie de quatre ans qui ferait neuf millions de morts, et que le monde ne serait plus jamais le même pour les survivants.


La propagande

En 1917, les Éditions Rouff, spécialisées dans l’édition populaire, lancent une série de récits illustrés complets, hebdomadaires, de 24 pages petit formats : la Collection Patrie.
Le principal intérêt de ces ouvrages relève des illustrations de couverture en couleurs qui offrent une iconographie abondante sur la guerre et témoignent de l’imagerie populaire de l’époque.
Se présentant comme d’authentiques documents, ces récits sont essentiellement des fictions patriotiques et les dessinateurs n’hésitent pas à exalter le geste héroïque comme la baïonnette par exemple.


La revanche

En France l’idée de revanche avait été soigneusement entretenue dans certains milieux, même si socialistes et anarchistes dénonçaient la guerre à venir, lui opposant l’entente entre les peuples et la grève générale.

Cela n’empêcha pourtant pas la majorité des socialistes de se rallier à l’Union sacrée dès la guerre déclarée.

Dans la tête des Français de l’époque demeurait à vif le souvenir de l’Alsace et de la Lorraine “ prises par les boches ”…


Au secours de la Serbie

L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie à Sarajevo par un étudiant bosniaque le 28 juin 1914 fut l’étincelle qui déclencha le conflit. Un mois plus tard, le 26 juillet, l’Autriche attaquait la Serbie qu’elle accusait d’être l’instigateur de l’attentat. L’engrenage des alliances s’enclencha. La France et la Russie volèrent au secours de la Serbie. L’Allemagne se rangea au côté de l’Empire austro-hongrois. Le Royaume-Uni, après un temps d’hésitation rejoignit la France. L’Italie restait d’abord neutre.




Les Belligérants

Tout le monde aura reconnu dans ce fier lancier indien contemplant Bagdad, drapeau britannique flottant au vent, un combattant de la “Grande Guerre”. Bien sûr, nous sommes plus habitués aux “poilus” vêtus de culottes rouges et de bleu horizon, aux soldats anglais ou américains en kaki, et aux troupiers allemands en gris-vert. Mais, nous l’oublions trop souvent, la guerre fut mondiale. Le conflit qui éclata entre l’empire Austro-hongrois et la Serbie entraîna, non seulement, par le jeu des alliances, la quasi-totalité des états européens dans le conflit mais encore, avec eux, leurs colonies d’Afrique, d’Asie et d’Amérique.


Deux systèmes d'alliance

Début 1914 l’Europe était divisé en deux camps : d’un côté la Triple Alliance (Empire allemand, Empire austro-hongrois, Italie), de l’autre la Triple Entente (France, Royaume-Uni et Empire russe).


Ricochets coloniaux et alliés

La France, l’Angleterre et l’Allemagne vont entraîner leurs empires dans le conflit (colonies pour la France, dominions et colonies pour l’Angleterre). Ces états vont donc participer plus ou moins directement à une guerre qui était, au départ européenne mais qui impliqua aussi finalement des Algériens, Tunisiens, Marocains, Africains d’A.E.F et d’A.O.F, Malgaches, Indochinois, Polynésiens, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais, Sud-Africains, Indiens, Togolais, Camerounais...
Aux pays déjà cités vinrent encore s’ajouter la Belgique, le Japon (se souvient-on que les convois alliés en Méditerranée furent protégés des sous-marins allemands par des navires de guerre japonais ?) ; la Bulgarie et la Turquie, l’Italie et les Etats-Unis enfin…




Se battre

Sur terre, sous terre, sur mer ou dans les airs, la guerre tue, mais c’est l’infanterie, “la reine des batailles” qui paya le plus lourd tribut. Il n’est pour s’en convaincre, que d’égrener les noms sur le monument aux morts du moindre village.


Les tranchées

Les couvertures de notre collection guide représentant des tranchées sont peu nombreuses. On en trouve quelques unes évoquées lorsque la vague d’assaut atteignit les lignes ennemies.
La guerre sous terre est également rappelée. Comment passer sous silence La Caverne du Dragon (aujourd’hui réaménagée en musée du Souvenir, cette ancienne carrière de pierre avait été transformée en caserne allemande en 1915)? Bien entendu, sur les représentations colorées de la collection Patrie, ce ne sont pas les Sénégalais qu’on envoya au massacre lors du premier assaut pour la reconquérir, mais de fiers “poilus” français…


Être soldat

La vie quotidienne des poilus intéresse manifestement peu les amateurs d’héroïsme que sont les illustrateurs de la collection. A noter aussi que tous les soldats représentés sont singulièrement propres : la boue, les poux, les rats ou la pluie n’existent pas sur les images colorées de MM. Groc, Spitzmuller, Frank, Le Rouge et consorts.

Ce n’est pourtant pas le cas des “poilus” de l’affiche de Neumont ni des soldats allemands de Die Wochenschau !


La mitrailleuse

En 1862, un certain R. J. Gatling dépose un brevet pour une arme de six à dix canons jumelés. Le servant doit tourner une manivelle. Assimilé à une pièce d’artillerie légère, elle n’est pas utilisée au contact direct des mouvements de troupe. Lourde, peu mobile, mais très efficace, rendant chaque attaque suicidaire, elle oblige les hommes à s’enterrer. La guerre de tranchées a commencé.


Les canons mobiles

Léonard de Vinci avait déjà imaginé un char d’assaut. Mais il fallut attendre l’invention du moteur à explosion pour que l’idée puisse vraiment prendre corps. Il existait bien des auto-mitrailleuses, mais elles n’étaient pas tout terrain. Traumatisés par les énormes pertes en vies humaines des batailles de 1914 et 1915, des officiers vont chercher le moyen de faire avancer des soldats en les protégeant par des véhicules blindés. Des recherches vont être menées par les Américains, puis les Britanniques, et enfin les Français et les Allemands.


Les chars d’assaut

Les chars d’assaut intervinrent pour la première fois le 15 septembre 1916 dans la Somme.
Trente deux Marcks anglais furent engagés sur quarante-deux disponibles. Le mois suivant, l’armée anglaise en commandait mille supplémentaires. Le mouvement était lancé.
Le 21 mars 1917 apparaissaient sur le terrain les premiers chars allemands. Le 26 août 1918 eut lieu la première bataille de chars d’assaut, à Villers-Bretonneux.

Roubaix honore l’un des héros de cette guerre des chars, le commandant Bossut, tué au combat à Berry-au-Bac (Aisne) le 18 avril 1917.


La “Grosse Bertha” et les canons

On perfectionna aussi les canons. Les Allemands construisirent en particulier la “Grosse Bertha” (42 tonnes) qui ne pouvait être déplacée que par le rail. Conçu pour percer des blindages de trois mètres de béton, il avait une portée de 9300 mètres et tirait des obus de 800 kilogrammes. En 1914, l’armée allemande n’en possédait qu’un de ce type mais dix autres furent construits par la suite.

La “Grosse Bertha” fut utilisée pour la première fois en Belgique, lors du siège de Liège, puis contre les forteresses de Namur, d’Anvers et de Maubeuge…

Les journalistes français firent la confusion entre la “Grosse Bertha” et une autre arme que les Allemands appelaient Pariser Kanonen ou Ferngeschütze. Installés près de Laon dans la forêt de Saint-Gobain, ils envoyèrent leur premier obus sur Paris le 23 mars 1918 à 126 kilomètres. Au total 367 obus furent tirés, 351 frappèrent Paris, tuant 256 personnes et en blessant 620.


Les gaz de combat

Après avoir utilisé l’arme chimique pour la première fois en Pologne fin 1914 sans grand succès, les Allemands récidivèrent dans la deuxième bataille d’Ypres, le 22 avril 1915. 10 000 hommes furent mis hors de combat d’un coup (morts, blessés ou incapables de se battre). Les Alliés employèrent à leur tour les gaz de combat, et tous les combattants furent bientôt munis de masques. D’abord lâchés à partir de récipients apportés à proximité de l’ennemi, ils furent ensuite enfermés dans des obus. En 1918 un quart des obus fabriqués étaient “chimiques”.

Cette arme nouvelle créa une telle peur que l’article 131 du traité de Versailles en prohiba l’utilisation pour les guerres futures. Ce qui n’empêche malheureusement pas leur utilisation massive depuis…


Les mines

À tout cela il faut encore ajouter le lance-flamme, utilisé en février 1916 à Verdun par les Allemands, et à nouveau contre les troupes britanniques à Hooge en juillet 1916. Les armées françaises possédaient aussi leurs sections de lance-flammes créées grâce au corps des pompiers de Paris. Il ne faudrait pas oublier non plus les mines que les deux camps utilisèrent.


Inventer c’est préparer la guerre

En 1906 apparaît la T.S.F. (transmission sans fil). Elle sera utilisée concurremment au téléphone, pour les communications des belligérants. L’élément humain, l’agent de liaison, joue encore néanmoins le rôle principal.

D’autres inventions récentes vont jouer de grands rôles : l’aéroplane ou l’automobile par exemple…


Le camouflage

L’apparition de la reconnaissance aérienne impliqua de dissimuler canons ou nids de mitrailleuses à l’aide de peintures gris bleu ou vert olive (les bottes de paille et feuillages ne suffisaient pas). L’armée française décida donc la création, en février 1915, d’une section de camouflage. Y furent affectés, en août 1915, des réservistes territoriaux, ouvriers, décorateurs, peintres en bâtiment ou même artistes ; les sculpteurs Paul Landowski et Henri Bouchard et illustrateurs Louis Forain (le père des “Poulbots”), JacquesVillon ou Pichon, le dessinateur de Bécassine, furent eux aussi enrôlés.

Le musée de Roubaix a exposé les carnets de croquis qu’Henri Bouchard a tenu pendant cette guerre.


Dans les airs

Le 23 octobre 1911 l’armée italienne utilise pour la première fois un avion dans la guerre qui l’oppose à la Turquie en Lybie et largue la première bombe le mois suivant.

Au début de la guerre, les aéroplanes, peu nombreux, sont utilisés à des fins de reconnaissance. Ils ne sont pas armés, mais cela change vite. Le premier combat aérien a lieu le 5 octobre 1914, à coups de fusils. On installa ensuite des mitrailleuses synchronisées avec la rotation de l’hélice. Certains aviateurs, tels Guynemer, devinrent des héros.

Les avions emportèrent aussi de plus en plus de bombes, que, dans un premier temps, les soldats larguaient à la main. L’armée allemande utilisa également des dirigeables “Zeppelins” pour aller bombarder l’Angleterre et Londres.


Sur mer

Les principaux faits de la guerre sur mer sont l’expédition des Dardanelles, la bataille navale du Jütland et la guerre sous-marine.

L’expédition franco-anglaise des Dardanelles avait pour but de forcer les détroits afin de pouvoir attaquer Istanbul. Ce fut un fiasco.

La bataille navale du Jütland opposa les marines anglaises et allemandes. Si les deux camps revendiquèrent la victoire, il est sûr que les navires allemands restèrent par la suite enfermés dans les ports.

L’Etat-major allemand porta alors son effort sur la guerre sous-marine, pour couler les navires de guerre de l’Entente et tenter de couper les lignes de ravitaillement de l’Angleterre et de la France. Des navires transportant des passagers furent aussi torpillés, parmi lesquels le Lusitania, fleuron de la marine marchande britannique, coulé le 7 mai 1915 (1467 morts). Il semble néanmoins que le Lusitania transportait aussi des explosifs et des munitions…




La victoire


L'arrivée des États-Unis

Ce naufrage contribua à faire basculer l’opinion américaine, jusque là hostile à l’entrée en guerre. L’Allemagne décida en janvier 1917 le blocus des côtes américaines et coula en avril 1917 un croiseur américain. Le Congrès riposta en déclarant la guerre à la Triple-Alliance.

L’arrivée massive des Américains et le soutien de l’industrie de guerre des États-Unis entraîna une rupture de l’équilibre en faveur des Alliés.

Le matériel de guerre américain (tanks, avions, obus, armement de toute sorte) arriva en masse, avec les soldats américains. En novembre 1918, ils étaient un tiers des combattants sur le front franco-belge.


L'année décisive

1918 : progressivement, du sud au nord, Français et alliés reconquièrent leurs territoires…

En miroir à la Victoire des alliés, la défaite de “l’ennemi”, illustrée…


La “der des der”?

La “der des der” était terminée. L’Allemagne allait payer la guerre. La Sarre était occupée. On discutait à Versailles. On pouvait préparer la prochaine.

Comme dans toutes les guerres, les civils avaient, eux aussi, eu à subir la guerre. Tout le monde ou presque avait des parents, des amis, des connaissances au front, et l’angoisse fut la même pour tous.

Mais la guerre fut vécue fort différemment selon qu’on habitait Limoge, Amiens ou Lille, c'est-à-dire à l’arrière, ou dans la zone des combats, ou encore dans la zone occupée.
Roubaix était dans ce dernier cas.