“Si tu fais parler des troufions dans ton livre,
est-ce que tu les feras parler comme ils parlent,
ou bien est-ce que tu arrangeras ça, en lousdoc ?”

Henri Barbusse, Le Feu.

Se souvenir

90 ans après la signature de l’armistice, alors que les derniers soldats de la Grande Guerre tirent leur révérence les uns après les autres, français, allemands, britanniques… sans même en attendre la commémoration le 11 novembre 2008, que reste-t-il de cette période terrible ?

Le souvenir de ces hommes “ morts pour la Patrie reconnaissante ”.

Le souvenir “ d’une image d’horreur sanglante ” selon les mots de l’historien Jean-Baptiste Duroselle dans La Grande Guerre des Français : l’incompréhensible, 1914-1918 édité chez Perrin en 1994 avec pour conséquences 9 millions de morts et trois fois plus de victimes, de blessés, d’invalides, de gueules cassées, de mutilés…




Des morts

Cimetières

Ils reposent dans les cimetières militaires, nombreux dans le nord-est de la France – ces cimetières qui furent d’abord leurs champs de bataille et qui sont aujourd’hui autant d’appels à la mémoire.


Ossuaires

Ou encore, leurs corps n’ayant pu être identifiés, leurs restes sont inhumés dans des ossuaires. L’ossuaire de Douaumont est à ce titre le plus édifiant ; il recueille les dépouilles des 300 000 soldats français et allemands tombés lors de la bataille de Verdun (février 1916).

Charles Barenne, poète roubaisien rend à ces morts anonymes un hommage émouvant dans son cahier sur L’occupation allemande, 1914-1918, à travers une “ prose rythmée ” : Aux héros inconnus.


Carrés militaires

Ils peuvent enfin avoir été rapatriés auprès de leurs proches et reposer dans le cimetière de leur commune - la ville de Roubaix a prévu un emplacement perpétuel pour ses héros morts au combat.

770 soldats morts pendant la première guerre mondiale reposent dans le carré militaire du cimetière de Roubaix.




Le Monument aux morts de Roubaix

Les noms des morts

Les monuments aux morts édifiés en nombre après la première guerre mondiale, nous invitent à honorer la mémoire de tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la patrie.

Sur le monument aux mort de Roubaix, situé à la jonction du boulevard du Général de Gaulle (anciennement boulevard de Paris) et du boulevard du Maréchal Leclerc (anciennement boulevard Gambetta), on peut lire “ Roubaix à ses enfants – Morts pour la défense du pays et pour la paix ”.

Il n’y est pas fait mention des noms de tous les Roubaisiens morts au combat – 3915, sans compter les victimes civiles, les patriotes fusillés, les morts de faim, de froid, des épidémies, selon l’historien Jean Piat dans Evénements mémorables de Roubaix, paru aux éditions Horvath en 1984.

Il est inauguré par Jean Lebas, député Maire de Roubaix, le 18 octobre 1925.


une inauguration solennelle

Le programme de l’inauguration manifeste la solennité souhaitée pour l’occasion. Alternent poèmes, chants et symphonies funèbres, exécutés par de nombreuses harmonies et chorales dont certaines roubaisiennes.

Le point culminant de la manifestation est l’exécution de la cantate Gloire à nos morts, vers l’idéal qui succède au discours de Jean Lebas, pour laquelle 1000 exécutants, entonnent un poème écrit spécialement pour l’occasion par deux Roubaisiens.

Rien n’a été oublié. Des hauts-parleurs installés aux alentours permettent “ aux personnes les plus éloignées de suivre les auditions ” et le monument est illuminé par l’entreprise Albert Deny, rue Decrême à Roubaix.

Conçu par le sculpteur A. Descatoire, le monument représente de façon allégorique l’effigie souriante de la Paix foulant aux pieds l’hydre de la Guerre. Sur le socle, quatre bas-reliefs illustrent les moments cruels : l’attaque et l’exode mais encore la prospérité et le bonheur retrouvés dans la paix, par le travail et la famille.


une allégorie souriante

Conçu par le sculpteur A. Descatoire, le monument représente de façon allégorique l’effigie souriante de la Paix foulant aux pieds l’hydre de la Guerre. Sur le socle, quatre bas-reliefs illustrent les moments cruels : l’attaque et l’exode mais encore la prospérité et le bonheur retrouvés dans la paix, par le travail et la famille.




Les commémorations

Derniers poilus et armistice

Les cérémonies de commémoration de l’armistice signée le 11 novembre 1918, s’organisent progressivement. La première se tient en 1919 dans la chapelle des Invalides à Paris, en présence du maréchal Foch. En 1922, le 11 novembre est déclaré fête nationale grâce à l’intervention des anciens combattants auprès du Parlement. Interdites par l’occupant de 1940 à 1944, elles sont régulièrement célébrées depuis 1945.

En 2008, alors que le dernier poilu français, Lazarre Ponticelli, vient de disparaître, le sens de cette cérémonie reste intact. Il ne s’agit pas de célébrer la victoire mais “ de rendre hommage aux victimes, combattants ou civils afin que ne sombrent pas dans l'oubli les sacrifices et les souffrances de toute une génération. Il importe à cette occasion de faire de la jeunesse l'héritière des valeurs qu'ils ont défendues ”.

Le dernier soldat de la Grande guerre, né à Roubaix, le 30 novembre 1891, Félix Flipo, s’est éteint à Lille en 1996, en toute discrétion, un an après avoir reçu la Légion d’honneur.


Bossut ce heros

Roubaix tient cependant à manifester sa reconnaissance à ses héros, parmi lesquels le Commandant Louis Bossut. Ce fils d’un négociant roubaisien, engagé dès l’âge de 19 ans, s’illustra au combat. On retiendra surtout que cet officier mena la première attaque de blindés de l’histoire militaire française. Il périt à 44 ans, frappé d’un éclat d’obus, dans son char incendié, le 16 avril 1917, aux Chemins des Dames.

Afin d’honorer son souvenir, les Roubaisiens firent réaliser une statue le représentant en pied par le sculpteur Maxime Réal del Sarte. Installée à l’entrée du parc de Barbieux, son inauguration donna lieu à une manifestation patriotique qui laissa une empreinte profonde parmi les Roubaisiens qui avaient tenu à assister nombreux à cette cérémonie.




Les vivants

Revenus

Après la guerre, après l’hommage rendu aux morts, il faut recommencer, reconstruire, reprendre la vie civile, revenir de captivité…

…Ou encore se faire rapatrier

Plus grave est le sort des nombreuses victimes : les blessés, les mutilés, les gueules cassées, les invalides… La France en compte plus de 3 millions en 1918.

On ne peut établir précisément le nombre de ceux qui, revenus, décéderont de leurs blessures physiques ou psychiques.


Anciens combattants

Ceux qui survivent trouvent heureusement quelque réconfort auprès des associations nombreuses qui émergent à la fin de la guerre. A titre d’exemples : l’Amicale des veuves et des orphelins, l’Association des mutilés de la guerre, la Fédération des amputés de guerre, l’Union des blessés de la face, et la liste est longue encore…

Ces associations apportent du soutien aux anciens soldats, sous les formes les plus diverses.
Le témoignage émouvant de ces deux chansons dédiées aux héros, “ nos braves mutilés, ces combattants… partis là-bas, sans un murmure… se sacrifier ”, en atteste.

Les associations d’anciens combattants sont à cet égard les plus actives. Elles offrent, à tous ceux qui sacrifièrent leur jeunesse au service de leurs idéaux patriotiques, le moyen de retrouver une vie ordinaire après l’horreur des combats.

Il se créera même en 1919 une Association des écrivains combattants, “ des hommes de pensée qui n’en sont pas moins des hommes d’action ”, est-il précisé dans le Manifeste, des hommes que “ la guerre a pour toujours dépouillés de violence ”. Des hommes qui témoigneront pour ne pas oublier, pour que jamais une telle abomination ne se reproduise, pour que cette guerre soit la dernière, la “ der des der ”. Parmi les membres fondateurs, on trouve Roland Dorgelès, Pierre Drieu la Rochelle, Maurice Genevoix, Jean Giraudoux, Pierre Mac Orlan, Jean Paulhan…




Et des livres…"

Hier et aujourd'hui…

Les croix de bois, de Dorgeles, Ceux de 14 de Genevoix, Le feu d’Henri Barbusse - prix Goncourt 1916, La main coupée de Blaise Cendrars, Vie des martyrs de Georges Duhamel… d’un côté du front ou, de l’autre, A l’ouest rien de nouveau d’Eric Maria Remarque par exemple… Tous ces récits trouvent naturellement un même terrain ami dans les rayonnages de nos bibliothèques aujourd’hui.

De même, les contemporains que cette guerre continue d’inspirer : Alice Ferney, Philippe Claudel, Didier Daeninckx, Sylvie Germain…

Et comment ne pas évoquer enfin, Invasion 14, le roman de Maxence Van der Meersch, écrivain né à Roubaix en 1907, dont le centième anniversaire de la naissance donna lieu l’an denier, à la création de la première exposition virtuelle réalisée par la médiathèque.

Invasion 14 est un récit un récit intense de l’occupation allemande à Roubaix et dans le Nord pendant la première guerre mondiale. Cette guerre a d’ailleurs ravi à l’auteur, sa sœur Sarah, morte de tuberculose, en octobre 1918.


Demain encore…

L’effroyable bilan de la Grande Guerre a marqué durablement la France. Sa mémoire est conservée par diverses institutions (ministère de la Culture, ministère de la Défense, services d’archives, bibliothèques…) qui numérisent et diffusent reportages, photographies, films, journaux de tranchées, correspondances, cartes d‘état-major, archives…

De façon modeste mais engagée, la médiathèque de Roubaix a souhaité apporter, elle aussi, sa pierre à l’édifice – si fragile– de la mémoire.

En complément de son exposition virtuelle La Fleur au fusil, la médiathèque publiera donc une sélection partielle de titres de livres, de films ou de documents sonores sur le sujet et saisira l’occasion de l’anniversaire de l’armistice pour proposer en novembre 2008 toute une série de Rendez-Vous (Concert, lectures, projection documentaire etc.).